Dans mon restaurant gastronomique, j’ai choisi de ne plus cuisiner de fruits exotiques ou de produits issus de la mer et d’amorcer un virage vers une cuisine responsable, locale et personnelle.
La genèse de ma démarche, pourquoi tout changer?
Après 8 ans à la tête du restaurant Le Pont de Brent auréolé de deux étoiles au Guide Michelin et de 18 points au Gault&Millau, j’ai ressenti le besoin de remettre en question mon approche de la cuisine et de la restauration. Même si tout allait pour le mieux, je n’étais plus à l’aise dans mon rôle de chef et de nombreuses questions me sont venues à l'esprit…
Alors que résonnaient les discours toujours plus nombreux dénonçant la standardisation du goût, la perte de biodiversité, la maltraitance animale, la surpêche, la pollution des océans, les problèmes d’obésité, de diabètes, de cancer et de prolifération des allergies, je me suis rendu compte qu’il n’était plus possible de continuer à cuisiner mes plats en fermant les yeux sur les ravages d’une alimentation étroitement liée aux profits de l’industrie agro-alimentaire. Impossible donc de continuer à pratiquer mon métier de Chef et cuisiner mes recettes sans me soucier davantage de l’écologie et de l’éthique désormais incontournables dans notre société.
En parallèle, j’ai constaté que les habitudes ont largement changé. Les clients voyagent de plus en plus, ils ont envie de s’évader et sont friands de diversité. Pourtant lorsqu’ils s’attablent dans les plus grands restaurants autour de la planète, on leur sert toujours les mêmes recettes: des produits de luxes issus de la grande gastronomie française. Saint-Jacques, bars, homards, truffes ou foie gras, ces produits nobles à l'époque ont été vulgarisés et garnissent aujourd’hui les rayons de nos supermarchés. Si bien qu’il n’est plus rare d’en cuisiner chez soi ou d’en trouver sur la carte du bistrot du coin. Mais quand on y pense, si nous avons un énorme plaisir à déguster un rouget aux olives sur la Côte d’Azur ou des coquilles Saint-Jacques en Bretagne, quel en est l’intérêt en Suisse, au cœur des Alpes?
Une solution, des résultats: une cuisine du terroir avec des produits de la région
En tant que Chef, je me suis demandé: qu’est-ce que la gastronomie aujourd’hui et qu’ai-je envie de proposer comme cuisine, dans mon restaurant, à mes clients? Une cuisine de terroir, ou plutôt de territoire avec un savoir-faire et des produits locaux. Car aujourd’hui, je suis convaincu qu’un repas gastronomique doit être une manière d’exprimer ce qu’habiter momentanément une région veut dire.
«Nous avons de fabuleux agriculteurs et de merveilleux producteurs en Suisse!»
Stéphane
J’ai donc choisi de privilégier des produits du terroir pour mes recettes et ne plus utiliser de fruits exotiques ou de produits issus de la mer. C'était le début d'un virage vers une cuisine responsable, de la région et personnelle dans mon restaurant gastronomique.
Aussi, je me suis tourné vers une approche très locale de mes approvisionnements en privilégiant les produits régionaux et les circuits courts (vente directe ou maximum un intermédiaire). J’ai ainsi une traçabilité sans faille sur les aliments et les plats que je sers à mes clients. Ces produits sont consommés uniquement à maturité et de saison puisque c’est moi qui m’adapte au rythme de la production et de l'élevage des producteurs avec qui je travaille. Ma première viande de bœuf wagyu suisse, je l’ai attendue presque deux ans!
Dans mes recettes, place donc aux féra (mon poisson préféré), truites, lottes, vengerons et écrevisses du lac de la région, aux ombles de la pisciculture de Cornaux (à 300m du restaurant!), aux légumes des Jardins du Closy à Puidoux, au beurre de la laiterie du Crêt, aux herbes sauvages cueillies par Anne-Marie en Gruyère, aux champignons sauvages de Jean-François, mais aussi aux volailles de la Belle Luce et aux canards de Thierrens.
Nous avons de fabuleux agriculteurs et de merveilleux producteurs en Suisse! Des gens ouverts d’esprit, passionnés, créatifs et inventifs, allez à leur rencontre!
À leur contact, j’ai redécouvert le sens de mon métier de Chef, ce changement d’orientation a été pour moi une véritable révélation qui m'a permis de revoir mon carnet de recettes et d'être au plus proche des mets gastronomiques du terroir!
Bonjour,
Je suis femme d'agriculteur et je salue ta reconnaissance envers cette profession.
L'agriculteur doit s'adapter avec les saison, le temps et aussi cette politique agricole qui est souvent difficile à comprendre. Certains bureaucrates, heureusement pas tous, ne se rendent pas compte de la complexité et des compétences qu'il faut de nos jours pour être Paysan.
Je suis venue à Vevey, il y a longtemps pour que les citadins soutiennent une votation sur l'agriculture et je m'étais rendue compte, en parlant avec eux, que nous avons tous des racines paysannes. Plus ou moins profondes, mais elles sont bien là.
Et je crois que ta cuisine vraie touche ces racines alors bravo et je me réjouis de venir, une fois déguster ces plats du terroir.
Je n’ai qu’un mot à dire : Félicitations !!!
Bravo pour cette décision qui montre un Homme de valeur !!!
Excellente initiative bien justifiée dans votre texte.
Vous avez l’esprit et l’aptitude d’adhérer à « l’alliance des cuisiniers » du mouvement Slow Food. Je vous souhaite de faire des émules.